[OS] Don't forget to breathe

Don't forget to breath

Vingt heures. Le téléphone sonne. Et comme toujours, les autres ont à peine le temps d'entendre la première sonnerie que Kevin se jette sur le combiné, qui manque de lui glisser des mains tant ces dernières sont moites. Il sait qu'entendre la voix de son amant le brisera une fois de plus. Mais il en a besoin. Il n'a jamais fait parti de ces gens qui aiment la douleur. Pourtant, il a l'impression que c'est le cas, depuis qu'Alexander est parti.
Il porte l'appareil à son oreille, sans prononcer un seul mot. Il sait qu'à l'autre bout du fil, sa respiration haletante sera perceptible. Ce n'est pas comme s'il pouvait cacher quelque chose à Alexander.

- SungHyun... murmure douloureusement Sandeo.

La souffrance peut traverser des kilomètres. Ledit SungHyun ne s'en rend pourtant pas compte, trop occupé à essayer de retenir les larmes qui ont commencé à envahir ses yeux. Il ne comprend même pas que c'est le moment ou jamais de retenir son petit ami. Des mots, n'importe quoi, mais quelque chose. Avant qu'il ne s'échappe totalement de son coeur, comme il a disparu du petit appartement que partagent les garçons.
Eli, qui feint de dormir sur le canapé, aimerait lui hurler. Se retient, pour se préserver lui-même. Il voudrait bien voir son meilleur ami et celui qu'il aime heureux, comme avant. Mais il n'a pas envie d'engendrer son auto-destruction. Alors, comme en ce moment, il préfère fermer les yeux, et remonter un peu plus la couverture pour se cacher, faute de pouvoir se boucher les oreilles sans être vu.

- Je t'en pries Kevin, dis quelque chose...

Toujours aucune réponse. Et cette fois, c'est le coeur d'Alexander qui se brise un peu plus. Si seulement ce n'était que la première. Il comprend son amant, mais il aimerait que ce dernier sache ce que lui ressent.

- Non. SungHyun.

Il a l'impression d'avoir attendu des siècles. Comme si entendre la douce voix de celui qu'il a laissé en Corée le ramenait à la vie. Même si la seule chose qu'il réussit à articuler est son propre prénom.

- Pardon?

Bien qu'il lutte de toutes ses forces, c'est l'incompréhension qui prend possession du portugais. Il aurait voulu être en face de Kevin, lire dans ses yeux et saisir la moindre de ses pensées.

- Je veux que tu m'appelles SungHyun... Pas Kevin.

Comme si ça avait encore de l'importance. Alexander soupire. Il est désespéré de voir que son amant pense que l'appeler par son véritable prénom changera quelque chose. Il a bien envie de lui blesser les tympans en lui disant que c'est trop tard, le mal est fait. Et que ce n'est pas leur faute. Surtout pas la sienne, comme il a visiblement tendance à le croire. Il a l'impression d'avoir répété cette phrase des millions de fois. Je n'ai pas choisi de partir. Mais le petit blond s'entête à ne croire personne, et à s'enfermer dans son propre mensonge. S'il ne s'arrête pas, il sombrera, lui aussi. Kevin a décidé qu'il ne voulait d'aucune aide, et cela tue le plus vieux. Lui, de là où il est, il n'est pas en mesure de le faire, mais il sait que les autres en sont capables.

Il n'y a pas le moindre son traversant la ligne téléphonique. Comme si la conversation avait été coupée, mais ils savent tous les deux que ce n'est pas le cas. Simplement parce que c'est la même routine tous les soirs, et que Kevin est trop immature aux yeux de son amant pour y changer quelque chose. Alors comme toujours, c'est lui qui fera le premier pas.

- SungHyun je..
- Arrêtes. Tais-toi Alexander, je t'en supplies. Tu es comme tout le monde, tu avais dit que tu ne me laisserais pas, que tu serais toujours là. Au final, c'est toujours la même histoire.
- Pourquoi tu t'obstines à me détruire? Tu sais bien que je n'ai pas eu le choix, alors arrête de te borner. Et pourquoi tu te jettes sur le téléphone tous les soirs, si tu me méprises tant? Je te connais pas coeur, tu ne pourras jamais rien me cacher. Parce que c'est une partie de moi, que j'ai laissé à tes côtés.

Et malgré la mauvaise qualité sonore de son téléphone, Alexander peut distinguer les sanglots de son petit ami, signe qu'il a gagné la partie. Il n'a pas réussi à retenir ses larmes plus longtemps. Désormais, l'androgyne est prêt à croire aux moindres mots de son amant, et accepter l'indéniable vérité. Il n'a pas voulu le quitter. Et même si ce n'est pas en tant que membre de son groupe, il reviendra. Un jour, il se réveillera, et Sandeo aura regagné la place du lit conjugal qui lui est réservée.