[OS] Tel un songe

Tel un songe

DongHo rentre dans la salle de classe. Pleine d'agitation. Tout le monde est agglutiné autour d'une table, et il ne tarde pas à comprendre que le centre de l'attention générale n'est autre que la personne qui fait tourner son monde. Comme toujours, Eli semble totalement indifférent à ce qui se passe. Il n'écoute même pas les voix nasillardes de ses « amis », et les cris hystériques des filles. Se contente de tenir sa tête entre ses mains, espérant sûrement que cela suffira à faire taire ces insupportables commérages. Et soudain, le cœur du plus jeune manque un battement quand il surprend son nom dans la conversation. Il balance son sac le plus bruyamment possible sur sa table. Gagne l'attention de la petite assemblée devenue silencieuse. Même Eli relève la tête pour l'affronter du regard. Et DongHo le supplie mentalement de se taire. De ne pas raconter toute l'histoire à ces adolescents avides de ragots concernant des gens qu'ils ne connaissent parfois même pas. Prière exhaussée. SooHyun saisit le blond par le bras, et les plus fidèles animaux de compagnie de ce dernier suivent au pas.
Celui qui est considéré comme le bébé de la classe voudrait bouger, mais ses jambes refusent visiblement de lui obéir. Il ne peut décemment pas les laisser soutirer de telles informations à son tortionnaire. Il sort de la salle en courant, recouvrant ses esprits dans le même temps. Vite, avant qu'ils ne sachent quelque chose qui ne les regardent pas.
A bout de souffle, il aperçoit la bande en train de bousculer gentiment celui qu'ils considèrent tous comme le chef suprême. Ils voient DongHo après des secondes qui lui ont semblé être des heures. KiSeop s'approche de lui en souriant. DongHo a toujours pensé que sa tête était « marrante ». Mais ce n'est pas le moment, non. Le plus vieux lui tape amicalement sur l'épaule.

- Le scoop du siècle. S'il t'a dit non, c'est parce qu'il a vu que les lettres que tu griffonnais sur tes cahiers étaient des N, et non des E.

L'enfant innocent a envie de lui rire au nez. Ca ne peut rien être d'autre qu'une blague. Mais KiSeop affiche un air sérieux qui le fait changer d'avis.
Eli lance un regard mitraillant à ses compagnons de route. Si ses yeux avaient été des canons, ils n'en resterait pas un seul. Ils comprennent qu'ils doivent partir. Laisser les deux amants déchus seuls. Se déchirer encore un peu, comme ils savent si bien le faire. Encore une fois avant qu'il ne soit trop tard. Encore une fois avant que des torrents interminables causés par un départ ne refassent surface.
L'aîné est adossé nonchalamment contre le mur qui a vu passer des centaines d'étudiants. Ne jette même pas un regard à son vis-à-vis, qui lui s'avance lentement vers l'homme qui n'a visiblement que faire des sentiments criants qu'il lui a aveuglement accordé. Et comme chaque fois qu'il est un peu trop près de lui, une force inconnue prend possession de lui. Il enroule ses bras autour du corps si musclé de celui qui le fait tant souffrir. Pense qu'il aurait certainement moins mal s'il s'acharnait avec ses poings, plutôt qu'avec son indifférence. A immédiatement honte de s'imaginer physiquement soumis. Mais de toute façon, il le sait. La démence s'est incarnée en lui le jour où il a fait la connaissance d'Eli. Et l'action était irréversible. C'était comme commencer à flirter avec des substances illicites. Il avait voulu jouer, il en subissait les conséquences.
Il blotti son visage d'enfant contre le torse de son hyung. Il s'en veut de se sentir si vulnérable, mais est prêt à le supplier encore une fois de ne pas partir. Addiction. L'odeur de l'amant de ses songes lui monte à la tête. Un peu trop vite. Et lui faire perdre toute conviction. Un peu trop vite.
Ses mains sont habillement rendues sous le t-shirt du blond, caressent ses muscles saillants. Et sa langue se perd dans le cou de l'autre, qu'il dévore avidement. Laisse des marques rouges sur son passage. Pour prouver que l'histoire de quelques secondes, Eli aura été à sa merci.
Ce même Eli qui n'esquisse pas le moindre geste, trop absorbé par ceux de DongHo.

- Alors comme ça, ton égo en a pris un coup si j'ai bien compris?

Ses mots se répercutent contre la peau si douce de son bourreau. Dit sur le ton de l'ambiance. Comme si c'était normal. Comme si leur relation avait déjà eu quelque chose de normal. Que ces semaines de tourment n'avaient jamais existées. Et Eli déteste la fausse assurance dont vient de faire preuve l'enfant. Mais encore plus le fait qu'il ai parfaitement raison. Il ne prend même pas la peine de répondre, brisant ses chances de rémission. Et puis au fond de lui, il sait qu'il n'en a pas besoin, puisque DongHo lui dédie toujours tout, à commencer par ses moindres faits et gestes. Sauf que lui, il se retrouve perdu face à tant de passion, et qu'il n'a jamais su quoi faire de tout ce que le cadet lui offrait. Alors son organe vital se contracte, et il pousse violemment le petit être qui manque de s'écraser au sol. Vite, avant qu'il ne s'attache encore un peu plus. Démarre une marche vers la salle de classe, où ses camarades l'attendent sûrement impatiemment, et lui bondiront dessus afin de connaître l'issue de cette entrevue.
Mais DongHo a trop regretté de ne pas s'être battu pendant toute sa vie pour le laisser filer comme ça. Court à sa suite, et ne se retient pas de saisir son bras. Leurs deux coeurs s'arrêtent. Et le voeu inconsciemment formulé devient réalité. Eli se retourne. Et pour la première fois, le regarde dans les yeux.

- DongHo, tu ne réussiras pas là où les gars ont échoués. Tu ne me retiendras pas.

Il s'y attendait. Il ne fallait pas croire qu'Eli le solitaire abandonnerait ses rêves pour un gamin un peu trop accablant. Mais contre toute attente, son visage se retrouve soudainement beaucoup trop proche du sien. Trop tard pour faire marche-arrière. Il plaque ses lèvres contre celles de DongHo sans aucune douceur. Pourtant ce dernier jurerait reconnaître de la passion dans chacun de ses mouvements. Mais il n'a pas le temps d'en avoir la confirmation, que l'initiateur de ces sensations inconnues a déjà disparu. Tel un songe.